Je suis pas une personne gênée. Je suis introvertie, c’est pas la même chose! Je cherche pas à faire mon intéressante. Si j’ai l’air d’une extra-terrestre, c’est naturel. Imagine-toi un poisson (le poisson, c’est moi) que plus d’un ver de terre titille en même temps! Le ver, c’est un mot que j’entends. Une odeur, un bruit ou une couleur peut faire pareil.
Quand ça mord, quelque chose pousse : une image, une idée aussi, pis même une mélodie de temps en temps. Ces contenus-là flottent tout autour de moi pis s’ajoutent aux arbres, aux maisons, aux personnes pis aux oiseaux que tu vois. Dans mon environnement à moi, y a plus d’images que de personnes. C’est comme ça. Pis, en plus, le choix du ver, je le contrôle pas! !! Tu parles que j’ai l’air bizarre après ça!
C’est pas rare non plus que j’écoute deux, même trois films simultanément : celui qui joue à tv pis les autres qui sortent du néant comme par enchantement. Fait que je suis à lui, mais aux autres aussi.
Quand le ver est invisible, c’est embêtant. Pour que ça morde, je dois lui administrer une bonne dose d’attention. Mais comme notre monde moderne est matière à distractions, il me faut dans ces cas-là libérer la voie. J’ai l’air bête après ça!
Il m’arrive aussi de faire des rencontres ou d’avoir des conversations stériles. Ça, c’est Quand-ça-ne-mord-pas. Avant que ça s’éternise, je me pousse d’ennui. On peut aussi parfois entendre la détonation d’un mot qui fait irruption dans mes échanges. Celui-ci est si étranger aux propos qu’on ne pourrait le justifier que par la présence d’une trajectoire déviée. Un mot, auquel on insufflerait une énergie précieuse, pourrait-il s’éjecter d’une phrase pour atterrir d’urgence dans une autre? Où en est-on dans le décompte des brèches de ce monde? Après ça, j’ai l’air étrange!
Depuis peu, quand ce phénomène se produit, même devant mes étudiants dont je capte immanquablement le froncement des sourcils, je me souris de connivence.
Cargo
Comments